Valoriser les friches, un enjeu capital pour North Sea Port

La valorisation de terrains industriels tombés en friche pour North Sea Port constitue un enjeu important, compte tenu qu’une extension de son périmètre est devenue improbable. S’ils ont bénéficié durant la deuxième moitié du siècle dernier d’une très forte expansion territoriale, les ports belges et néerlandais sont conscients du fait que leurs limites actuelles ne changeront plus de façon notable. L’exception se trouve à Zeebrugge ou Rotterdam qui peuvent gagner de nouveaux espaces sur la mer. De plus, dans leur périmètre existant, la part à allouer à des aménagements « verts » (protection d’écosystèmes, compensations naturelles, limitation des nuisances…) va croissant. La valorisation de friches - souvent appelées brownfields par opposition aux greenfields développés pour la première fois - est dès lors devenue, pour les ports, un moyen d’optimiser leurs avoirs fonciers, de limiter leurs effets négatifs sur l’environnement et de continuer à pleinement jouer leur rôle économique en faisant de la place à des activités nouvelles. Dans des pays comme la Belgique et les Pays-Bas, l’espace est une denrée rare et tout mètre carré est bon à prendre. Cette « expansion interne » fait partie, depuis longtemps, de la stratégie de North Sea Port, le port transfrontalier né de la fusion de Gand, Terneuzen et Flessingue. Elle se manifeste notamment dans deux dossiers, dont l’un est géré par des acteurs publics, l’autre par des acteurs privés.

Thermphos à Flessingue

Le premier est celui de Thermphos à Flessingue. Déclarée en faillite en novembre 2012, « la seule usine de phosphore en Europe » laissait un terrain et des installations fortement pollués. L’opération d’assainissement s’annonçait administrativement lourde à mener, financièrement très coûteuse et techniquement complexe, du fait de la présence conjuguée de phosphore, d’amiante et de déchets faiblement radio-actifs. à elle seule, la sécurisation du site représentait une facture mensuelle de plusieurs centaines de milliers d’euros par mois.

Ce qui aurait pu devenir un cancer industriel au sein du port a finalement pu être traité « dans les délais et les budgets », souligne Peter Van Parys, directeur des opérations de North Sea Port. Entamés en 2015, l’assainissement des sols et le démembrement des installations industrielles seront entièrement achevés d’ici la fin 2020. L’ardoise totale restera inférieure aux quelques 130 millions d’euros prévus.

C’est une aubaine pour le port, car Thermphos occupe une position de choix sur la carte de Flessingue. Son terrain d’une soixantaine d’hectares borde le Quarleshaven, bassin à fort tirant d’eau qui se trouve dans le prolongement direct de l’accès à l’Escaut occidental. 

« Une concession de cette taille offre la possibilité d’attirer un grand investisseur industriel dont l’installation créera une valeur ajoutée appréciable, de nombreux emplois et un trafic maritime conséquent. Notre intention est de la concéder autant que faire se peut en une seule pièce. Nous avons déjà entamé des discussions avec plusieurs parties intéressées. En fonction des besoins, nous pouvons équiper le terminal de quais ou de jetées », précise Peter Van Parys. Il estime que le démarrage des nouvelles activités devrait intervenir à l’horizon 2025 au plus tard.

Une petite partie du terrain a, entre-temps, déjà été ajoutée à la concession d’Alpha Terminals. La filiale du groupe suisse PSB Alpha veut y développer un parc d’une soixantaine de citernes d’une capacité totale de 720 000 m³. L’investissement se montera à 460 millions d’euros.

Site Kuhlmann à Gand

Sur l’ancien site Kuhlmann dans la zone portuaire gantoise, ce sont trois grands acteurs privés qui sont à la manoeuvre : DEME, Jan De Nul et Aertssen. Ils ont acheté, en 2010, ce terrain dont la superficie totale a été portée par des acquisitions ultérieures à 165 hectares. Ils en ont déjà assaini la majeure partie et créé notamment une des plus grandes centrales d’énergie solaire de Belgique (55 000 panneaux solaires sur 22 ha pour une capacité de 16,5 MW). Cette électricité durable (une éolienne s’y ajoutera prochainement) permettra aussi, à terme, de produire de l’hydrogène vert. 

La remise en état du site a représenté une gigantesque défi financier et logistique. Près de 150 millions d’euros ont déjà été investis et des centaines de milliers de mètres cubes de terre ont été transportés. « Nous en avons encore pour dix ans avant l’achèvement complet du projet, mais grâce à l’union des moyens et de l’expertise des trois partenaires impliqués et au soutien de toutes les instances et autorités concernées, nous avons déjà réussi à mener à bien un travail énorme », indique Bartel De Clercq, qui pilote le projet pour DEME.

North Sea Port en cueillera également les fruits. Du côté du canal maritime vers Terneuzen, une zone d’une cinquantaine d’hectares est destinée à recevoir des activités en lien direct avec l’eau (la route qui longe le canal, va être déplacée). Dans la partie nord, Jan De Nul aménage une plate-forme pour le stockage de matériel d’ingéniérie hydraulique et de dragage. Au sud, sur des terrains rétrocédés à North Sea Port, un premier terminal citernier sort de terre et d’autres suivront. Dans la partie centrale, DEME a entamé la dernière phase de dépollution, de démolition des anciennes installations et de viabilisation. Elle devrait être terminée d’ici la mi-2021 et permettre la construction d’un centre de traitement de terres et boues. 

Les deux sites de Thermphos et Kuhlmann reprennent ainsi leur place dans le tissu portuaire et industriel. Ils représentent à, eux seuls, plus de cent hectares de terrains qui recevront une nouvelle affectation liée à l’activité portuaire et qui créera des trafics importants. Pour North Sea Port, dont la réserve en nouveaux terrains se monte à 850 hectares, la remise en valeur de friches constitue un gisement à ne pas négliger.

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